Le gouvernement actuel fait face à un lourd héritage. Faute de projets et de stratégie, ceux qui l’ont précédé s’étaient trompés sur les priorités du pays, les tenants et les aboutissants d’un contexte certes contraignant, mais très mal géré. Ce qui a été entrepris en demi-mesure s’est avéré inadapté, dénué, incomplet et dans le meilleur des cas palliatif, notamment pour les régions marginalisées. Résultat : les revendications sociales s’éternisent et se conservent, tout en prenant de nouvelles formes. Elles irriguent des enjeux souvent au-delà de ce qui est permis. Après Tataouine, c’est au tour des habitants des zones avoisinant le champ pétrolier de Doulab à Kasserine de revendiquer leur droit à l’emploi au sein de l’entreprise exploitant le domaine, mais aussi au développement de toute la région. Dans un contexte différent, mais toujours sur fond de défiance, les supporters du Croissant Sportif de Chebba ont bravé les mesures du couvre-feu imposé pour lutter contre le Covid, en manifestant nuitamment devant le siège de la municipalité de la ville contre l’exclusion de leur club et menacent de continuer à protester jusqu’à la régularisation de la situation.

Si l’on part du principe que la marginalisation régionale est le facteur principal du déclenchement de la révolution de 2011 et qu’il est du droit de beaucoup de régions de revendiquer une vie décente et digne et s’il n’est en rien interdit de leur ouvrir les horizons, il n’en demeure pas moins qu’il y a de ces revendications qui sont difficilement justifiables.

Il faut reconnaître que pareille désocialisation ne reflète pas seulement les déficiences et les manquements qui empêchent telle ou telle région d’accéder à un palier supérieur, mais elle traduit une situation caractérisée dans tout ce qui a rapport à la privation, aux insuffisances et à l’abandon. Loin des pratiques régulières, la gestion des revendications sociales est devenue aujourd’hui complexe. Elle repose sur un niveau de doléances très élevé et des demandes souvent difficiles à satisfaire. L’encadrement ne joue pas vraiment son rôle. Pareille singularité n’est-elle pas essentiellement la conséquence de problèmes

qui perdurent ? Il faut dire cependant que les solutions ne sont pas seulement l’affaire de l’Etat. Les partis politiques, qui sont représentés au Parlement par des élus du peuple, sont aussi concernés. Ils ont rarement prouvé qu’ils ont vraiment leur mot à dire et leur savoir-faire dans cette question. Faute d’implication, le sens exacerbé des uns et des autres a transformé ce qui n’était qu’une revendication sociale en moyen d’expression et des réactions les plus inconséquents.

L’on ose reconnaître que le contexte social n’est pas simple. Il ne l’est pour aucun gouvernement. Et pas davantage pour celui qui y est impliqué aujourd’hui directement. Les contraintes font oublier la réalité économique et sociale du pays. Quelque part, on a affaire à des pratiques et des doléances forcément douteuses. Les revendications régionales ne peuvent plus continuer à être gérées sur fond de polémiques, ou encore demeurer la cible de personnes qui s’érigent en protecteurs au nom de l’intérêt de telle ou telle région…

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